SANDRA JUGE

Le naturaliste éprouve parfois, lors de ses contemplations affairées, un choc face à l'apparence inerte des choses de la nature. Comme si son désir d'intimité avec le monde était stoppé par la résistance, l'opacité, de ces choses qui ne paraissent exister que pour elles-mêmes.
Ainsi exilé, il développe une nostalgie pour l'imprévu et les désordres de la matière.

LANDSCAPE.S

Le paysage est une vue artistique et poétique, une sensation interne, ce que Diderot surnommait rumeur des viscères, résultat de la combinaison dynamique d'éléments physiques qui réagissent dialectiquement. Mon œuvre cherche à questionner l'appréhension visuelle du paysage, vers un nouveau mode de représentation : un « Tiers Paysage ». Il s'agit d'un processus de création à partir de l'imitation de la nature. Plus que la couleur ou la composition, la matière définit l'œuvre : sa profondeur, sa richesse, ses reliefs, ses frontières et ses limites ; une quantité d'espaces indécis. L'indétermination est posée en préalable à une démarche ontologique sur l'œuvre plastique.

Ma démarche est axée sur la représentation du paysage et la question d'échelle.
La création d'un espace, micro & macroscopique, représenté puis observé, implique un point de vue et en modifie la perception. Je travaille l'espace de la toile de manière géologique. Les recherches ont toujours pour commencement une intuition matérielle. Un ensemble d'actions et de spéculations provoque des rapports de force et de rencontre des matières. Les phénomènes et leurs inscriptions dans la mémoire physique des peintures s'appuient sur des processus de sédimentation. L'œuvre est co-créée avec les réactions de la matière et porte un nouveau mode de représentation. L'œuvre témoigne d'une mémoire distinctive : aucune trace de mon intervention n'est laissée.